Précédemment, nous avons vu, en nous appuyant sur les définitions officielles, que la responsabilité sociétale était « la contribution des entreprises aux enjeux du développement durable ». Une acception large qui peut faire labelliser « RSE » tout un tas d’initiatives sociales, environnementales et économiques.
Nous avons aussi évoqué le pouvoir d’influence des parties prenantes (acteurs publics, salariés, clients, fournisseurs, investisseurs, etc.). Ces dernières sont attentives au comportement des entreprises sur les sujets qui les concernent, les passionnent ou qui constituent leurs priorités. Les Petites Rivières a identifié trois thèmes clés sur lesquels l’entreprise sera sans doute amenée à muscler son engagement sociétal dans les années à venir. Objectif ? Répondre aux attentes nouvelles de leur éco-système. Voici notre palmarès.
Médaille de bronze : la meilleure valorisation de la production locale
A l’instar d’une préférence croissante pour les produits « made in France », les « consomm’acteurs » cherchent à donner du sens à leurs achats et privilégient des entreprises aux pratiques responsables. Ainsi, une enquête menée en 2012 par Ethicity avec le soutien de l’ADEME a montré que 88% des Français déclaraient que la crise économique devrait être une occasion de revoir nos modes de vie et de consommation. Pour 42 % des Français, un produit permettant de consommer responsable devrait être fabriqué localement afin de favoriser les économies de transport et le développement de l’emploi au niveau local. Une tendance confirmée par un sondage d’OpinionWay en 2016, où « la qualité des produits et services » et « la préoccupation du Made in France » arrivaient en tête des critères de confiance des Français à une entreprise ou une marque.
Les années à venir devraient voir émerger de nouveaux produits et services conçus au niveau local. Les entreprises responsables s’appuieront de plus en plus sur des fournisseurs de proximité pour développer de nouveaux marchés. A Dijon, le Groupe SEB ne fait plus que vendre ses produits. Avec Eurêcook, il expérimente la location d’appareils culinaires, en partenariat avec l’entreprise d’insertion ENVIE qui assure le stockage, la livraison et le lavage des objets loués. L’affichage sociétal des produits et services devrait aussi se développer, permettant une plus grande interaction entre communication et responsabilité sociétale. En effet, si les consomm’acteurs cherchent des produits responsables, ils sont peu nombreux à les trouver en rayon, comme le montre aux Etats-Unis le Conscious Consumer Spending Index. 28% des Américains sondés sont ainsi incapables de citer une marque responsable en 2016. Le programme de la CAMIF, intitulé « Le tour du Made in France » évoque quant à lui parfaitement l’innovation dont peuvent faire l’objet les processus de distribution : la société commercialise ainsi sur son site des meubles conçus, par exemple, par une structure d’insertion landaise, Api’up. Elle valorise l’impact social et environnemental de son fournisseur auprès de ses potentiels clients.
Médaille d’argent: la participation pro-active au développement économique local
Place maintenant à la médaille d’argent. La participation des entreprises au développement économique, sur les territoires dans lesquels elles sont implantées, est une deuxième tendance forte des politiques de responsabilité sociétale, engagée ces dernières années et en plein boom.
Il ne s’agit plus uniquement de faire appel à une PME locale pour le ménage des locaux ou pour quelques plateaux-repas, sur le mode du « one shot ». Les entreprises responsables vont systématiser leurs stratégies d’achats socialement responsables, afin de démontrer qu’elles mettent leur fonction achat au service du développement du territoire, et notamment des TPE/PME à fort impact social ou environnemental. Cela peut être fait pour les achats indirects, mais également, de plus en plus, pour les achats stratégiques. Schneider Electric travaille ainsi depuis de nombreuses années avec l’entreprise d’insertion Atelier SIIS en matière de sous-traitance industrielle ; CNR avec une autre entreprise d’insertion, NTA43, pour des missions de gestion électronique de documents (GED).
De nombreuses entreprises participent également à des chartes où elles prennent des engagements volontaires en matière de développement local. La Charte Entreprises & Quartiers, qui a été signée par plus de 60 grands comptes au niveau national, affiche ainsi dans ses objectifs la participation aux « initiatives locales » et au « développement économique », notamment des quartiers prioritaires.
Il relève de la responsabilité de toute entreprise de :
- Créer un tissu de relations qui contribue à son développement en veillant aux bons échanges de relations d’affaires avec les clients et les fournisseurs implantés sur le même territoire ;
- Rechercher, sur le territoire sur lequel elle exerce son activité, à contribuer le plus possible à développer l’activité économique
Autre exemple, extrait de la Charte Relations Fournisseur Responsables
Médaille d’or : la création d’emploi et l’insertion sur les territoires
And the winner is… L’emploi et l’insertion sont deux thèmes pour lesquels les entreprises vont devoir continuer à s’engager fortement dans les années à venir. L’ensemble des parties prenantes y sera attentif.
Les citoyens, d’abord : en 2014, un sondage IFOP mené pour Acteurs Publics et EY montrait que 54 % des Français accordaient leur confiance aux entreprises pour « réduire le chômage », bien devant l’Etat (5%) et les collectivités locales (22%). Les acteurs publics et privés ensuite : les clients professionnels des entreprises intègrent de plus en plus dans leurs appels d’offres des critères sociétaux pour soutenir l’emploi local et l’insertion socioprofessionnelle. Ce dispositif, qu’on appelle les « clauses sociales d’insertion », incite les entreprises qui soumissionnent à leurs marchés à embaucher des personnes en difficulté ou à travailler, sur une partie de la prestation, avec des structures d’insertion. Veolia a ainsi intégré, lors de la construction de son siège à Aubervilliers, des clauses sociales dans son marché de travaux, incitant les entreprises du BTP du chantier à sous-traiter avec ARES Seine-Saint-Denis, une entreprise d’insertion locale qui embauche des salariés en difficulté sociale et/ou professionnelle.
Des engagements sur la fonction RH des entreprises sont aussi mentionnés dans les chartes précédemment citées, avec l’idée, par exemple dans la Charte Entreprises & Quartiers, de participer à des projets « en lien avec les structures locales emploi insertion » (comme le parrainage de demandeurs d’emploi, le tutorat de personnes en difficulté, etc.).
Le soutien à la création d’emploi et à l’insertion sur les territoires, au-delà de la seule capacité de recrutement direct des entreprises, va donc considérablement se développer dans les politiques de responsabilité sociétale des prochaines années. Sous l’influence des marchés publics et privés comportant des critères sociétaux, les synergies entre politique de développement commercial de l’entreprise et RSE vont aussi se renforcer.
En conclusion, la tendance de fond de la responsabilité sociétale des entreprises, c’est l’ancrage territorial.
« L’ancrage territorial est le travail de proximité proactif d’une organisation vis-à-vis de la communauté. Il vise à prévenir et à résoudre les problèmes, à favoriser les partenariats avec des organisations et des parties prenantes locales et à avoir un comportement citoyen vis-à-vis de la communauté ».
définition de l’ISO 26 000
Or, les acteurs de l’économie sociale et solidaire sont des partenaires clés pour les entreprises qui veulent soutenir l’emploi local, participer au développement économique et produire sur leur territoire. C’est ce que nous verrons dans le prochain épisode.